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Revue de presse #4

1 Jan

Alors que l’année 2010 touche à sa fin, l’heure est au bilan : prix, meilleures ventes ou ratés… les palmarès s’affichent partout dans la presse.

La star de cette fin d’année, c’est Patti Smith. L’artiste a remporté le National Book Award dans la catégorie nonfiction pour son autobiographie, Just Kids. A noter que Barnes & Nobles, qui vendait l’ouvrage à -20% avant l’annonce du prix, le proposait dès le lendemain au prix de l’éditeur. L’ouvrage de Patti Smith a fait partie de la plupart des listes des meilleures ventes de l’année et elle était à la une de Publishers Weekly pour leur numéro « Best of 2010 ». Alors que son concert annuel était un des évènements les plus attendus de Décembre, elle a interviewé Johnny Deep pour le dernier numéro de Vanity Fair lors d’une rencontre au sommet photographiée par Annie Leibovitz. La vague Smith continuera sûrement en 2011 : de nombreux ouvrages la concernant commence à envahir les librairies et Abrams sortira en mars un recueil de photos prises par Judy Linn. L’ouvrage, qui sera aussi publié en Allemagne, comprend un texte de Patti Smith, ce qui devrait aider les ventes.

De cette année, on retiendra aussi la croissance des ventes de livres numériques et le succès de l’Ipad qui a définitivement confirmé le marché du numérique. Les professionnels ont salués l’arrivée de la tablette d’Apple car elle offre une alternative au Kindle d’Amazon, jusque-là en position de force et sans concurrence réelle. Noël 2010 a permis, comme prévu, de voir les ventes de tablettes et de livres numériques exploser. Random House a connu ses meilleures ventes de livres numériques le 24 et le 25 décembre 2010. De son côté, Amazon a annoncé que son Kindle 3° génération était le produit le plus vendu de toute l’histoire de la compagnie. Une annonce contestée par la profession qui se plaint du manque de transparence d’Amazon concernant ses ventes.

Mais la fin de l’année, c’est aussi des mauvaises nouvelles. L’heure est à l’émotion à New York où le célèbre Barnes & Noble du Lincoln Center ferme bientôt ses portes. Partie intégrante du décor et de la vie de l’Upper West Side, l’immense magasin était un des emblèmes de la chaine. Aujourd’hui, il symbolise les difficultés rencontrées par la compagnie qui doit faire des économies.

Nouvelle résolution pour Barnes & Nobles donc, dans un pays où le mois de janvier est le mois du « New Year/New Me » ! Dès le lendemain de Noël, les tables des librairies sont envahies par des dizaines d’ouvrages offrant la recette pour une vie meilleure, un régime miracle, une nouvelle garde robe ou les solutions pour payer moins d’impôts. Janvier est le mois le plus important pour les ventes de livres de régime, mais la concurrence est telle que seuls les auteurs confirmés ou ceux bénéficiant d’une couverture médias exceptionnelle ont accès à ces tables. Ainsi, la sortie de la traduction du célèbre Régime Dukan aura lieu en mai, deuxième période pour les livres du genre, afin d’obtimiser les chances de visibilité pour l’auteur.

La reine des résolutions est sans aucun doute Oprah Winfrey, à la tête d’un empire médiatique à travers lequel elle diffuse sa philosophie/slogan : « vivre sa meilleure vie » . Sa résolution 2011 ? Fonder sa propre chaine de télé, totalement organisée autour de sa personne et de ses valeurs. Le lancement de OWN (pour Oprah Winfrey Network) aura lieu le 1er janvier 2011 et bénéficie d’une campagne marketing des plus impressionnantes : spots de pubs à la télé, affiches sur les bus et les taxis, interviews, et bien sûr promotion sur ses propres médias (O magazine, The Oprah Winfrey Show…) etc. Ce nouveau défi (« mon bébé » , dit-elle) s’annonce comme un ultime test de son pouvoir et n’est pas gagné d’avance, selon le New York Times. Alors qu’elle arrête sa célèbre émission en avril, les éditeurs craignent que la place donnée aux livres soit limitée sur la nouvelle chaîne de la déesse des ventes. « Aujourd’hui, on se pose deux questions, nous explique une de nos professeures. Qui seront les derniers auteurs invités dans l’émission ? Et qui fera vendre nos livres si elle arrête d’en parler ou si sa chaîne est un échec ? » Réponse dans quelques mois…

Pour finir, si vous ne savez pas quoi lire en ce moment, voici le dernier élu du Oprah Book Club. Bonne année à tous !

USA : librairies en chantier

20 Déc

Alors que les ventes en librairies continuent de chuter et la part de marché d’Amazon d’augmenter, comment les librairies et les chaines réagissent-elles à la fuite de leurs revenus ? Comment les éditeurs s’adaptent-ils à ces changements ?

Réaménagement de l’espace
Ces derniers temps, les professionnels de l’édition américaine se désolent de l’augmentation de l’espace vide dans les chaines de librairies. « Dans tous les magasins, des étagères et des tables dédiées aux livres ont été supprimées ces derniers mois, nous explique notre professeure de Books Merchandising and Sales. Si cela permet de déambuler plus facilement dans les rayons, c’est beaucoup moins attractif pour le client qui a l’impression d’avoir moins de choix  » . Les cafés par contre ont vu leur surface s’agrandir, mais il est désormais interdit d’y apporter un livre pris dans les rayons s’il n’a pas déjà été acheté : « Les chaines ne peuvent plus se permettre de payer pour les ouvrages rendus invendables après avoir été tachés par les clients qui mangeaient en lisant« , continue-t-elle. Une autre tradition qui s’évanouit et qui risque de frustrer les consommateurs… En échange, plus de fauteuils ont été installés à la place des étagères de livres.
Cette réorganisation profite aux liseuses numériques : Barnes & Noble consacre de plus en plus de place à la présentation du Nook, du récent Nook color et de tous leurs accessoires. Souvent situés à droite de l’entrée -là où le trafic est le plus important, selon de nombreuses études- ces espaces ne sont pas sans rappeler les Apple stores.

Moins de livres, plus de jouets
Si la place réservée aux livres se réduit, quels sont les ouvrages privilégiés ? Les romans sont toujours présents dans les vitrines et à l’entrée, mais la priorité est donnée aux livres de cuisine et de jeunesse, les deux secteurs qui restent très dynamiques. Ce dernier est toujours au cœur d’un grand débat après l’article du New York Times dont je vous avais parlé qui clamait la mort du livre illustré pour la jeunesse : « Au contraire, nous explique Becky Green de Random House, c’est le marché le plus stable ! C’est pourquoi les chaînes de librairies veulent devenir des magasins entièrement dédiés aux enfants en offrant toutes sortes de produits qui leurs sont dédiés : jouets, bonbons, déguisements, vêtements… » Ces produits sont en effet de plus en plus présents, et à des endroits stratégiques. Même les indépendants s’y mettent : la librairie Strand, qui proposait déjà de nombreux produits dérivés dont ses célèbres sacs, avait fait parler d’elle en mettant en vente des bonbons vintage le long des caisses. « Les librairies ont besoin de vendre des produits où leur marge est plus grande  » , rappelle notre professeure qui s’inquiète de la capacité des livres à combattre cette nouvelle compétition au sein même des magasins qui leurs étaient dédiés.

Où et comment promouvoir les livres ?
L’enjeu qui est désormais le sien est de réussir à assurer la promotion de ses livres dans cette nouvelle configuration. En effet, aux Etats-Unis, les éditeurs payent pour que leurs ouvrages soient mis en valeur par les librairies -sur les tables à l’entrée, sur une étagère dédiée dans les rayons ou même sur la newsletter du magasin, par exemple. Cela permet à leurs ouvrages d’être plus visibles que ceux de la concurrence et donc d’augmenter les chances d’achat. « La plupart des achats de livres sont des achats d’impulsion : les gens flânent en librairies, tombent sur tel livre et décident de l’acheter. Comment vendre nos livres s’ils ne sont pas visibles en magasins ? » s’interroge-t-elle. La première réaction des éditeurs a bien sûr été de se tourner vers les sites de ventes en ligne, en louant des espaces publicitaires ou en s’assurant que leurs livres soient recommandés aux lecteurs lorsqu’ils achètent des ouvrages voisins. Cependant, même ces espaces ne sont plus exclusivement réservés aux livres et elle se désole de voir des pubs pour les brosses à dents sur Amazon.com. Pour Pablo Defendini, Internet offre de nouvelles opportunités aux éditeurs et produit une alternative à la flânerie en librairies : « Aujourd’hui dès qu’un livre est mentionné sur internet, l’auteur ajoute un lien vers un site commercant : il est ainsi très facile d’acheter l’ouvrage. Internet permet plus d’impulsion et attire des gens qui n’iraient pas en librairies. » La priorité des directeurs commerciaux et marketing est donc de multiplier la présence de leur maison sur Internet afin d’y créer un espace et une experience équivalents à ceux de la librairie.

Revue de presse #3

21 Nov

La semaine dernière, les deux livres les plus importants de l’automne ont été mis en vente le même jour. Très différents, ils promettaient d’attirer une foule importante dans les librairies.

The Diary of A Wimpy Kid: The Ugly Truth est un livre Abrams -la maison où je travaille actuellement au service des droits étrangers. Ecrit par Jeff Kinney, il s’agit du cinquième volume d’une série qui rencontre un succès phénoménal et s’est classée en tête des ventes du New York Times, avant d’être adaptée au cinéma. Si l’auteur explique sur CNN qu’il a écrit le premier volume pour les adultes, il a été publié dans une collection jeunesse et la promotion dirigée vers les jeunes garçons : résultat, ce livre a réussi a touché un large public, s’érigeant en exemple  des « crossover books ». Les équipes d’Abrams étaient sur le pied de guerre depuis des mois. Ces dernières semaines, les réunions marketing se succédaient pour préparer l’arrivée du livre le plus important de l’année : une tournée a été organisée avec un bus peint aux couleurs de la couverture, des façades de librairies ont été spécialement redécorées et des centaines de copies d’avance avaient été distribuées pour créer le buzz. Outre la location d’un écran à Times Square, Greg, le héros de l’ouvrage, aura aussi son ballon lors du fameux défilé de Thanksgiving, organisé par Macy’s. Vingt personnes d’Abrams -dont Michael Jacobs, le Président- tiendront le ballon le long du défilé ! Imprimé à 5 millions d’exemplaires, le livre s’est immédiatement installé en tête des ventes, et dans les bureaux, le violet était de sortie ! Il faut dire que cette seule série rapporte beaucoup à la maison et permet d’en financer d’autres projets plus risqués… Traduit dans plus de vingt langues, Le Journal d’un Dégonflé est publié en France par le Seuil (qui, comme Abrams, fait partie du groupe La Martinière) mais n’a pas rencontré un succès comparable.

Dans un tout autre genre, les libraires ont aussi accueilli Decision Points de George W. Bush. Une de nos intervenantes de Random House nous a confié que les ventes du premier jour étaient exactement égales à la moitié des ventes du livre de Bill Clinton, conformément aux prévisions de la maison. Entré directement à la première place des meilleures ventes de non fiction, Decision Points s’est vendu, en une semaine, à 775 000 exemplaires (EBooks inclus) et une première réimpression vient d’être lancée. Après avoir feuilleter l’ouvrage (et lu quelques magnifiques passages sur les méchants terroristes, les enfants aux visages innocents et son rapport à l’alcool), je retiens surtout le génie marketing de la jaquette qui présente les deux Bush que l’Amérique aime : Bush-Président marchant devant la Maison Blanche, dossier sous le bras et regard énigmatique, sur la couverture et Bush-sympa-le gars-du-Texas nous accueillant chez lui en tenu de cowboy, une tasse de thé à la main, souriant, au dos du livre. En France, c’est Plon qui a acheté les droits et si la photo de couverture est plus sobre, la présence du chien du Président fait quand même sourire.

Autre nouvelle importante de ces derniers jours : le New York Times a annoncé qu’il publierait les listes des meilleures ventes d’Ebooks pour la fiction et la non fiction. Jusqu’à présent, les listes publiées dans les pages du journal ne prenaient pas en compte les ventes de livres numériques qui peuvent pourtant constituer jusqu’à 40% des ventes. Petite info en passant, ce sont les livres à l’eau de rose qui se vendent le mieux en numérique, ce sur quoi personne n’aurait parié. Toute la profession a donc accueilli cette nouvelle avec soulagement. Bien qu’ils n’incluent pas toutes les librairies du pays, les classements du New York Times font toujours référence et sont très suivis par les lecteurs (les consommateurs, pardon).

Ces deux livres sont le bras, je rentre chez moi à Brooklyn, l’endroit où il fait bon faire de l’édition apparemment : le New York Times a consacré un article aux agent littéraires qui fuient les loyers trop chers de Manhattan pour se retrouver de l’autre côté du pont. Comme Saint-Germain-des-Prés en son temps, Chelsea se vide peu à peu sa vie littéraire qui se reconstitue un nouveau centre à Brooklyn où sont déjà installés des maisons, librairies et auteurs célèbres. Il n’y a pas de quoi se plaindre : la vue est quand même bien plus belle d’ici.

Revue de presse #2

17 Oct

Aujourd’hui, j’ai choisi de vous parler d’enfants. De leurs livres plutôt. Enfin, des livres qu’ils sont censés lire.  Et de ceux qu’ils préfèrent. Et des livres que leurs parents lisent aussi.

Cette semaine, le New York Times annonçait, dans un article de Julie Bosman, que les « livres illustrés ne sont plus la base de la littérature jeunesse« . Ces derniers ont été remplacés par les romans dans le cœur des enfants et des parents. Résultat : les éditeurs en publient moins et les libraires hésitent à les mettre en avant. Plusieurs causes à cela : le coût de ces livres tout d’abord. Chers à produire, ils peuvent souvent coûter plus qu’un livre de texte pourtant plus épais. Mais les parents pousseraient aussi leurs enfants à lire des livres de texte pour leur assurer, dès le plus jeune âge, une meilleure éducation. Les livres illustrés sont considérés comme trop faciles. Si la journaliste souligne la richesse des albums jeunesse et leur double niveau de lecture, il apparaît cependant que les enfants eux-mêmes sollicitent de gros pavés, à l’origine destinés aux jeunes adolescents. D’où la multiplication des romans pour tous âges dans les rayons des librairies.

Loin de signifier la fin des livres illustrés pour enfants, cet article met surtout en avant la croissance des romans « Young Adults » (jeunes adultes, littérature ado en France) : de plus en plus de livres se réclament de cette catégorie qui attire désormais un public très large, au-delà des jeunes ados. La littérature pour Young Adults (Y.A.) est une vraie tendance aux États-Unis : « Il y a cinq ans, nous explique un de nos professeurs, personne ne prononçait ce mot et maintenant la Y. A. est partout : les libraires en réclament, les studios de ciné achètent les droits et cela rapporte beaucoup d’argent. » Dans un contexte économique difficile pour le livre, la jeunesse continue de bien se porter et occupe de plus en plus de place dans les rayons des librairies, là où les romans sont écartés au profit des liseuses électroniques. Cibles privilégiées des éditeurs, l’enfant et l’adolescent le sont aussi des critiques littéraires : The Guardian a annoncé le lancement d’un site dédié aux livres des « jeunes lecteurs ». Le journal entend même présenter « des critiques de nos jeunes lecteurs sur les derniers romans Y. A., les livres jeunesse, des interviews d’auteurs… ». L’enfant n’est plus un lecteur passif : en partageant des lectures avec les plus grands, il a acquis une voix qui compte et qu’on ne peut ignorer.

Twilight, de Stéphanie Meyer, est sans doute un des exemples les plus évidents de cette rencontre des adultes, des ados et des plus jeunes autour d’un même livre : en plaisant à la fois aux jeunes filles et à leur mère, la trilogie a mis la Y. A. sur le devant de la scène et en a montré le potentiel. Twilight est aussi au cœur d’une autre tendance qui touche à sa fin : celle des vampires. Pour surfer sur le succès des œuvres de Stéphanie Meyer, des centaines d’ouvrages mettant en scène des vampires ont été publiés, rapportant beaucoup d’argent à leurs auteurs et aux maisons d’édition. Mais la tendance se termine et il s’agit donc d’être le premier à trouver la prochaine ! Certains annoncent celles des zombies. Récemment, plusieurs romans classiques ont été revisités « à la mode zombie » pour mieux attirer les jeunes lecteurs, comme ce fut le cas avec Pride and Prejudice and Zombies, un NY Times Bestseller publié en 2009 par Chronicles. En attendant un nouveau succès qui réunisse toute la famille, les mamans de ces young adults sont l’objet d’une tendance intitulée « second chance lit ». Dans ces romans, l’héroïne est une femme de 30 à 50 ans qui, à la suite d’un événement dramatique (divorce, décès d’un proche…), décide de commencer une nouvelle vie. Un exemple ? Eat, Pray, Love d’Elizabeth Gilbert, dont l’adaptation ciné est actuellement en salles avec Julia Roberts dans le rôle principal. Un succès phénoménal ici.

Des enfants qui lisent comme des grands, des mamans qui repartent à zéro et des zombies qui envahissent la littérature pour mieux séduire ces mêmes enfants… des tendances à suivre donc !